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Quelques extraits d'ouvrages

 

Dernière conclusion

 

Clermont-sur-Lauquet, le 23 Mars 1993

 

Voilà bientôt deux ans que, près de Carcassonne,

Les devoirs de ma charge, un jour, m’ont appelé

Pour desservir un lieu que la foi abandonne

Mais où Dieu m’a conduit par pure charité ;

Car, dans ce lieu perdu, ce village maudit

Oublié par chacun et inconnu de tous,

La solitude pèse au cœur comme à l’esprit

Quand peu de paroissiens ont besoin d’être absous.

Exilé en ce coin, au fond d’une vallée

Engoncée dans des monts couverts de chênes-verts,

De sapins et de buis aux feuilles boursouflées

Où nichent les faucons ainsi que les piverts,

Il m’arrive souvent d’aller à la fenêtre

Pour y jouir d’un décor sauvage, naturel,

Car ces lieux désertés savent donner au prêtre

De longs temps de repos pour contempler le ciel.

De ma fenêtre donc, j’aperçois le torrent

Qui roule ses eaux claires où évoluent les truites,

Là, mon regard se perd, un peu indifférent

Du monde pernicieux aux actes hypocrites.

Mes pensées vont et viennent au rythme régulier

Des nuages qui passent portés par le marin;(10)

Elles errent, sans but, dans le long sablier

Du temps qui, insolent, continue son chemin.

Un soir calme et serein, en cette fin d’automne,

Mon regard s’est porté sur un vieux manuscrit

Qu’une épaisse poussière ornait d’une couronne

Lui donnant quelque peu la couleur du granit.

Une main me poussa à prendre le volume,

A souffler largement sur la grise poussière

Qui s’envola à flot, pareille à de l’écume

Emportée par un vent devenu délétère.

J’allais, paisiblement, avec cette relique

M’installer près du feu, devant la cheminée

Où les flammes formaient comme une mosaïque

En dévorant le bois qui partait en fumée.

Je serrais longuement l’ouvrage sur mon cœur

N’osant, avec mon doigt, tourner la blanche page ;

Je ressentais en moi une étrange pudeur

A poser mon regard sur ce vieux témoignage

Car j’avais tant souffert à dévoiler l’histoire

Des amants déchirés, dans ma prime jeunesse,

Mais qui restait toujours gravée dans ma mémoire

Et que j’ai conservée au seuil de la vieillesse.

Comment aurai-je pu oublier leur amour

Eux qui m’ont tant donné dans cette vie ingrate ?

Oui, comment oublier qu’ils furent tour à tour

Séparés et unis ? Pour ma part, je constate

Qu’ils sont encor présents dans mon esprit, mon cœur,

Car les ans qui s’enfuient ne peuvent effacer

La blessure restée, qui répand sa langueur

Et qui, jusqu’à ma mort, viendra me tourmenter.

J’ai prié très souvent pour rechercher la paix,

Pour que mon pauvre esprit retrouve tout son calme;

J’ai connu quelques pauses, oui, je le reconnais,

Mais c’était fugitif attendu que mon âme

Me ramenait vers eux, comme pour m’obliger

A subir le martyre chaque jour un peu plus ;

Dieu m’a fait leur témoin afin de m’éprouver,

Pour porter ce fardeau dans ma vie de reclus.

Je ne regrette rien, car ces pauvres enfants

M’ont donné tant et tant de si beaux souvenirs ;

Si certains ont été quelquefois terrifiants

Il en est quelques-uns qui m’ont fait réfléchir.

Leur histoire, trop brève, est toujours si présente

Qu’une larme insidieuse échappe sur ma joue ;

Coulant en contrebas, je la sens qui serpente

Tandis que ma vision brusquement devient floue.

Mon cœur, trop déchiré, sert contre lui l’ouvrage

Tel un précieux trésor qu’il voudrait protéger

D’un quelconque fripon, qui porterait l’outrage,

Inconscient de son geste, en voulant le toucher.

J’ai tenté d’oublier, mais à quoi bon le dire,

Chaque instant de ma vie j’étais auprès de vous

Comme un fidèle chien qui, tendrement soupire

Couché près de son maître, en craignant son courroux.

Non, je n’ai jamais pu, or c’est là tout mon drame,

Apaiser mon esprit, ma raison et mon cœur ;

Je vous savais présents chaque instant. Ma pauvre âme

Se déchirait pour vous d’une atroce douleur.

Le ciel m’en est témoin que, très souvent, mes bras

Se sont ouverts en grand, croyant vous accueillir,

Ma raison s’embrouillait dans un galimatias

Qui m’ôtait toute envie de pouvoir réagir.

Je restais là, inerte, et sans aucun ressort,

Les deux bras étendus vers l’horizon lointain ;

Quand je me reprenais, par un violent effort,

Du mal qui me tenait je sentais le regain.

Las!... J'implorais le ciel que sa miséricorde

Aie pitié de celui qui n'a que trop vécu

Portant un tel fardeau, pour qu'enfin il accorde

Un peu de compassion à mon cœur éperdu.

Il ne m'a accordé pas la moindre indulgence,

Le moindre des repos, même un brin de pitié;

Ma prière, égarée, n'a pu avoir audience

Et je portais ma croix pareil au supplicié.

Je vous ai tant aimés, doux enfants qui, un jour,

Avez su triompher d'un destin pernicieux;

Vous qui avez si bien sublimé votre amour

Osant braver les hommes, ainsi que tous les cieux.

Qui oserait douter que votre récompense

Etait fort méritoire après votre combat

Ferait preuve, aussitôt, d'une grande impudence

Et d'un esprit borné, sinon indélicat.

Je sais combien profonde a été votre peine

Et son ressouvenir me ronge au fil des ans

Car je l'ai partagée dans mon sang, dans ma veine,

Comme si tout, hier, c'était passé céans.

A présent,  je l'avoue, je n'ai pas eu la force

D'entrouvrir ce volume auquel je tenais tant;

Ma pensée subissant un dilemme, un divorce

Qui retenaient ma main, me rendaient hésitant.

Je suis resté longtemps à subir la tourmente

Opposant à la fois la sagesse et l'envie;

La raison prit le pas sur cette soif ardente

Et me laissa prostré, sans la moindre énergie.

Les larmes qui coulaient ont maculé l'ouvrage

Que mes lèvres ont baisé dans un ultime adieu,

Désirant saluer votre vaillant courage

Avant de vous revoir, unis, auprès de Dieu.

Extrait du roman "Les deux cœurs"

 

 

A mon chien

 

Lorsque je l’ai vu naître

Je l’ai pris pour enfant,

C’était un petit être,

Il était si charmant.

 

Quand je l’ai vu grandir

Ce fut mon compagnon,

J’aimais le voir courir

Dans toute la maison.

 

Quand je l’ai vu vieillir

Ce fut moi son enfant

Bien qu’il sut m’obéir

Toute sa vie durant.

 

Quand je l’ai vu mourir,

Je compris que ce jour

Venait de s’accomplir

La fin d’un bel amour

 

Car tu me fus fidèle,

Serviteur dévoué,

Ton amour fraternel

N’a pas démérité.

 

Je t’aimais bien mon chien

Ô, mon chien de berger,

Et, pour toi, mon chagrin

Ne saura s’effacer.

Extrait de : Du fond du cœur -Volume 1

 

Terre-mère

 

D’un pur ciel d’azur j’ai volé un morceau,

Non pour tailler ma robe ou le pan d’un manteau

Mais pour donner, au peuple, un bien-être précieux :

La Liberté !... Eh oui !... Je l’ai volée aux cieux.

 

J’ai pris un peu de blanc couvrant la pureté

Pour que règne toujours l’idée de vérité.

A quelques mécontents qui grognaient en silence

J’ai dit : "Egalité !... que chacun ait sa chance".

 

J’ai trempé mon emblème au sang d’un vieux soldat

Tombé au champ d’honneur, dans un furieux combat.

Que plus jamais la haine éveille la vengeance,

De la Fraternité sortira une alliance.

 

J’ai eu foi en mon peuple, et il a cru en moi,

Qu’importe les époques, un président, un roi !...

Rien ne saura changer l’ardeur et la vaillance

Des enfants nés de moi, des enfants de la France.

Extrait de : "Réflexions d’un homme sans culture"

 

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