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Quelques extraits d'ouvrages

Lourdes, le 12 juin 1960

 

J’ai donc pris le chemin menant vers la montagne

Où bientôt, en surplomb, je pus voir la campagne

S’étendre sous mes yeux, au fond de la vallée.

Là, Lourdes m’apparut, par le brouillard, voilée.

Je ne restai qu’un temps minuté en ce lieu

Mais dans le court repos, où je soufflai un peu,

Je sentis en mon sang s’épancher un bien-être

Apaisant ma fatigue et ravivant mon être.

Reprenant le chemin, je m’armai d’un bâton

Qui se trouvait au pied d’un énorme buisson,

Comme si une main charitable et amie

L’eut placé tout exprès, pour que je m’y appuie.

Cet objet, vivement, s’avéra fort utile

Pour franchir, çà et là, un endroit difficile

Qui surgissait, sournois, afin de m’inviter

A suspendre ma course en cet étroit sentier

Car, malgré les embûches et les difficultés,

Rien n’arrêtait mon but vers les pics élancés.

J’avais beau haleter, m’inonder de sueur,

Et sentir sous l’effort que s’emballait mon cœur

Je progressais toujours refusant de faiblir

Sur ce chemin de croix paraissant me punir.

Recherchant mon salut en une course folle

J’acceptais le martyre en agneau qu’on immole,

Subissant la torture sans émettre de plainte,

Refusant de gémir, refoulant toute crainte

Peu soucieux du danger de tomber dans l’abîme

J’expiais, quelque part, le sentiment d’un crime.

Mes mains se lacéraient en s’agrippant au roc,

De chaque pas mon cœur en supportait le choc ;

Je sentais sous mes pieds se dérober la pierre,

L’herbe où je m’accrochais s’arrachait à la terre.

Plus d’une fois je crus perdre mon équilibre,²

Je ne m’en souciais pas car je me sentais libre,

Libre comme le vent, tel un aigle qui passe

D’un vol majestueux en ombrageant l’espace

Respectant la quiétude éternelle des cimes

Qui n’obtient son semblant qu’aux tréfonds des abîmes.

Que cette liberté me semblait douce au cœur,

Aussi je me grisais de l’enivrant bonheur

Que je puisais au sein de cette solitude

Et qui me transportait dans la béatitude.

Parvenu au sommet, à l’ombre d’un rocher,

Je m’assis un instant afin de reposer,

De goûter pleinement une douce détente

Avant que d'entamer  l'épuisante descente.

Extrait du roman  "Les deux cÅ“urs"

 

En mer du Nord, le 1 Février 1961,

 

Nous revoici en mer, en route pour l’Ecosse,

Et nous n’y serons pas au moins avant six jours.

Le navire fend l’eau, pareil à un colosse,

Nous sommes en manœuvres à présent, et toujours.

Nous passons pas très loin des côtes de Norvège

Dans une opération combinée par l’OTAN,

Le temps n’est pas très bon et que Dieu nous protège

Le vent froid et glacé se transforme en tyran.

Il soulève la vague, on monte sur la crête

Avant de s’ébrouer dans le creux qui la suit,

Puis nous recommençons, partant à la conquête

De la vague suivante. Il n’est aucun répit ;

L’écume rejaillit dès que l’étrave plonge,

S’enfonce dans les eaux brisées par la terreur,

Le navire est vaillant et jamais il ne songe

A rebrousser chemin, il ignore la peur.

La cheminée, aux cieux, rejette dans son souffle

Une mince fumée que dissipe le vent,

La machine tient bon et l’aquilon s’essouffle,

Le pavillon, au mât, claque très fièrement.

Et le soir, quelquefois, quand apparaît la brume,

La sirène déchire un silence de mort

Qui livre son assaut dans les embruns, l’écume,

Mais nous ne cédons pas, le navire est plus fort.

La lutte se poursuit. C’est la ronde infernale,

La mer qui se déchaîne augmente sa fureur ;

Nous supportons la vague ainsi que la rafale

Et encore une fois le navire est vainqueur.

Il ne faut pas compter que le temps s’améliore,

Le baromètre bas continue de chuter,

Tout cela nous promet de trouver à l’aurore

Un temps plus acariâtre où il faudra passer.

Nous sommes épuisés, harassés de fatigue,

Le café nous permet de tenir un moment ;

L’on s’accroche où l’on peut, le vaisseau est prodigue

En sursaut, en secousse et en frémissement.

Nous roulons bord sur bord mais où est l’importance ?

Nous plongeons dans la lame avant de redresser ;

La mer qui nous meurtrit obtient là sa vengeance,

Le port est trop distant, elle aime en profiter.

Nous, nous avons la foi, un feu qui nous anime,

Et nous gagnons du temps, nous réduisons l’écart

Conservant les hélices à un même régime

Ah!... la voilà enfin!... la relève de quart!...

Me tenant aux parois pour passer la coursive

Je vais au poste deux où je pourrai dormir

Et là, dans le sommeil, partant à la dérive,

Le réconfort viendra pour me ragaillardir.

Là!... ça y est!... bon sang!... être dans sa couchette

Et se laisser bercer par les flots limoneux,

Dans une position qui me semble douillette

Je n’ai plus qu’un désir, c’est de fermer les yeux.

Extrait du roman "Les deux cœurs"

Jack Harris au Ministère de la Justice à Paris - Noël 1984

Jack Harris en spectacle au Banhofhotel

à Backnang (Allemagne)

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